opusoculi a écrit : ↑ven. 29 nov. 2019 20:26
Misologue1 a écrit : ↑sam. 09 nov. 2019 6:37
Donc, tout ça pour dire que, lorsqu'on est habitué à voir pousser un Acer après l'avoir placé sous un autre arbre beaucoup plus grand que lui, il ne faut pas s'étonner de lire que tel sujet "érigé" naturellement fait des pousses "à l'horizontal", ce qui traduirait une "faiblesse" (?) : 'seiryu' pousse normalement (c'est un érable du Japon pour situation "ensoleillée », .../...
.../... "l'horizontalité" de certaines branches indique simplement que l'arbre cherche la lumière sur cette partie de sa ramure, cherche à passer sous l'ombre formée par les branches supérieures.
Sur ce point de l’horizontalité des branches basses des Acer c’est plus complexe que tu le crois.
Un seyriu âgé de 30 ans et ayant poussé au soleil aura des branches clairsemées , il y a une densité de remplissage propre à chaque variété. Un jeune seyriu a beaucoup de branches, avec les années il en aura beaucoup moins (et ce n’est pas une question d’ombre ou de soleil) c’est sa densité propre à l’âge auquel il est observé.
Avec l’âge chaque branche prend une position à 45° puis une position presque horizontale, (évolution à long terme commune aux arbres).
Ce sont les Auxines (hormones synthétisées dans les Apex caulinaires) qui induisent l’inclinaison oblique puis horizontale des branches; ce phénomène biologique est nommé le plagiotropisme.
Inversement, les hormones Gibberllines (synthétisées dans les feuilles et les racines) induisent la croissance verticale des tiges et des racines; nommé orthotropisme.
Tu observes actuellement seyriu au stade de développement que l’on nomme 'croissance accélérée’, il y aura ensuite le stade linéaire puis le stade décéléré enfin celui de stabilisation proche de la fin. A chaque stade l’arbre change de forme et de densité.
Un Erable âgé n’a plus de pousses verticales, il s’étend (sauf si on l’élague pour le rajeunir). Le plagiotropisme fait la beauté des sujets âgés.
Le soleil et la lumière.
Les feuilles et les branches des arbres ne s’orientent pas vers la lumière directe du soleil (ideé communément admise) mais vers la lumière bleue du spectre soit le bleu du ciel, la lumière du nord, et la lumière réfléchie par le sol c'est le cas pour les branches basses.
Attache des branches.
La jonction d’une branche au tronc ou à une charpentière est caractérisée par un 'anneau' ou 'collier'. Cet anneau initial de la pousse de la branche est une sorte de moteur qui produit la multiplication cellulaire du développement aérien (il est lié au méristème apical du bourgeon terminal) . Chaque branche a une toute petite particularité génétique, ne pas oublier cette individuation contenue dans l’anneau de chaque branche qui la différencie du tronc et des autres branches.
Les anneaux ou colliers ne se ressemblent pas tous, certains sont ridés, d’autres étranglent le développement de la branche qui dans ce cas prend en peu d'années une position horizontale sans être une branche âgée.
De telles branches sont dites ‘branches faibles’ par les élagueurs et les praticiens du bonsaï.
Les branches dites fortes n’ont pas encore pris une position inclinée inférieure à 45°, leur anneau/collier est discret.
Les branches faibles ne sont pas provoquées par la taille , elles sont produites par des corrélations entre les organes d’inhibition des Acer du Japon sur des branches encore jeunes, on peut en voir se former en pleine lumière . Elles sont un des nombreux attraits des Acer.
Ne pas confondre avec la taille en nuage de l'arbre ’nivaki’ qui n’est obtenu que par la taille.
La conservation à long terme des branches faibles qui forment des ‘nuages’ naturels demande de ne jamais tailler les bourgeons terminaux, on peut alléger leur poids en taillant les brindilles qui se développent dessous et uniquement celles-là.
J’ai ouvert un post dédié à la croissance, biologie, morphologie et la taille avec des documents.
Désolé de répondre aussi tardivement, mais mes obligations professionnelles ne m’ont pas permis de le faire plus tôt. Je profite d’un dimanche calme pour apporter ma petite contribution à la discussion.
Tout d’abord je tiens à saluer cette excellente initiatique qui consiste à utiliser des concepts scientifiques pour tenter de comprendre les mécanismes à l’œuvre dans la morphologie et la physiologie des Acer, préalable nécessaire pour expliquer leur comportement architectural. Merci donc pour toutes ces précisions, fort intéressantes et qui m’ont rappelé mes cours de biologie au lycée (terminale C à l’époque). Il me semble d’ailleurs que les différents tropismes et le rôle des phytohormones endogènes (hormones végétales) sur les mécanismes de développement des plantes ainsi que sur leur adaptation aux stimuli environnementaux, est au programme de la classe de première au lycée… J’en profite donc aussi pour me rafraîchir la mémoire…
Néanmoins, je ne peux m’empêcher de rester prudent et réservé sur la démarche méthodologique utilisée et, plus encore, sur les conclusions et résultats proposés (photos à l’appui) : même pour quelqu’un avec tes connaissances et ton expérience, la tentation est grande de simplifier les explications, d’aller à l’essentiel, en oubliant justement, comme tu le dis toi-même, la grande complexité des interactions et corrélations (c’est le maître mot ici !) à l’œuvre dans la biologie des arbres en général et des Acer en particulier. Mes propres connaissances ne sont pas complètement en accord avec les tiennes…
Cette « tentation », je la ressent moi-même à chaque fois, connaissant la grande difficulté qu’il y a à cerner les multiples facteurs, internes et externes, endogènes et exogènes, participants aux mécanismes d’inhibition corrélative : dominance apicale, hormonale et/ou par concurrence trophique (laquelle débouche sur cette fameuse notion de « vigueur » dont tu parles, car la vigueur d’un rameau est aussi lié à des facteurs externes, nutrition, géotropisme, etc…), dormance (par inhibiteurs acides et/ou par exposition au froid), pesanteur, propriétés fixées génétiquement (qui peut aussi expliquer, sur ce point tu as raison, le manque de vigueur d’un rameau), phototropisme, etc… Il est impossible, dans une réponse rapide comme celle-ci, d’en faire le tour… D’avance, je m’en excuse !
La relation entre le port de l’arbre, son aspect extérieur, l’orientation de ses branches, en bref son architecture, et l’action des phytohormones est déterminante, sur ce point nous sommes d’accord. Mais, c’est l’ordre d’importance qui me chagrine… Les hormones endogènes sont l’auxine AIA, les gibbérellines GA, les cytokinines, dont le rôle semble plus important encore que celui des gibbérellines…, l’acide abscissique, impliquée dans le phénomène de la dormance, l’éthylène, responsable en partie de l’orientation vers le bas des feuilles, les brassinostéroïde, etc... L’action des phytohormones fait partie des facteurs internes. Cependant, les études relativisent ces facteurs internes en insistant sur les facteurs externes situés dans l’environnement, comme le phototropisme (qui n’implique pas que la raie bleue du spectre lumineux…). Il est impossible de ne pas en tenir compte…
Je précise que c’est la prise en compte de tous ces facteurs qui doit guider la technique de taille des Acer (et de toutes les plantes ligneuses), si l’on veut réussir à former un port harmonieux sans perturber leur croissance et/ou menacer leur santé.
Donc, les études ont montré que l’architecture d’un Acer est surtout déterminée par ce que les biologistes nomment la « dominance apicale », dont la vitesse et le rythme varient, dans une certaine mesure, avec l’âge de la plante. Je rappelle que la dominance apicale explique l’inhibition (plus ou moins forte) des bourgeons axillaires (latéraux) par l’auxine sécrétée par le méristème apical (le bourgeon terminal). L’action de l’auxine est considérée comme la plus importante dans le contrôle de la croissance des Acer. Elle n’agit jamais seule mais en combinaison ou en opposition avec d'autres hormones : les cytokinines surtout, dont les effets sont antagonistes à ceux de l’auxine. Sécrétées par les racines en croissance, elles sont véhiculées par la sève jusqu’à l’apex caulinaire. La croissance orientée résulte de l'équilibre entre les effets de ces deux hormones (balance hormonale). En fonction de la balance hormonale, l'auxine peut soit stimuler une réponse soit l'inhiber. Si le rapport auxine/cytokinine est élevé, l’auxine empêche ou retarde le réveil des bourgeons axillaires sur les jeunes pousses et constitue le facteur endogène de l’horizontalité des jeunes rameaux. Si ce rapport est faible (ce qui est souvent le cas des Acer), Les cytokinines réveillent les bourgeons et engendrent la verticalité des rameaux. Ainsi, dans le cas des Acer, le rapport auxine/cytokinine est suffisamment équilibré pour autoriser la formation orthotrope (verticale) des axes principaux et dominants (les charpentières), lesquelles au fil des années vont s’allonger, grossir, se ramifier, et s’organiser lentement en fonction des facteurs internes (endogènes) et externes (environnementaux).
Les interactions entre les hormones participent donc à former le port de l’arbre. C’est ce qui explique que la plupart des ramifications latérales non inhibées sont plagiotropes (elles réagissent négativement à la force de gravité en formant un angle à 45°). En fait, plagiotropisme et inhibition par hormone s’excluent mutuellement : ou bien un bourgeon est inhibé, ou bien il engendre une tige plagiotrope. Comme déjà dit, l’inhibition est faible dans le cas des Acer, car ce sont d’abord les bourgeons orthotropes dominants qui déterminent le plagiotropisme des bourgeons non inhibés secondaires. Autrement dit, un contrôle apical durable, mais plus ou moins équilibré, hiérarchise les axes primaires (plus ou moins orthotropes) et les ramifications secondaires (plus ou moins plagiotropes).
Mais ce qui montre la complexité du contrôle apical dans le cas des Acer, c’est la vigueur du rameau, déterminante pour la croissance des bourgeons végétatifs. Or, au moins 2 facteurs interviennent ici : d’une part, ce concept de « vigueur » met en jeu le port vertical (et non horizontal) du rameau, et d’autre part, les facteurs externes, comme l’eau et les nutriments, la chaleur et l’humidité de l’air et du sol, jouent un grand rôle dans le rapport auxine/cytokinine. Autrement dit, si l'angle normal de croissance est dû à la pesanteur (dans le plagiotropisme, les branches latérales forment un angle défini avec la verticale), sa direction résulte d'un équilibre entre la pesanteur, facteur externe, et des facteurs internes de type hormonal : plus le système racinaire de l’Acer est étendu et vigoureux (si les conditions de culture n’ont pas trop endommagé les racines en hiver lors de la dormance) et plus le contrôle apical sera faible, favorisant une croissance orthotrope dense (cas typique de ‘seiryu’ et de la grande majorité des Acer érigés). Avec le développement des racines au printemps, la sécrétion de cytokinines devient abondante (facteur endogène de levée d’inhibition) ce qui, sur des plantes principalement acrotones comme les Acer, a pour effet de doper la croissance des rameaux sur tous les gradients longitudinaux (basitonie et médiatonie), donnant un port dense avec de nombreux rameaux latéraux.
D’autre part, la levée de la dormance au printemps résulte aussi d'une modification des concentrations relatives en acide abscissique et en gibbérellines. Le « débourrement » des bourgeons correspond à une élévation de la teneur en gibbérellines au printemps, après action du froid de l'hiver, ce qui a pour effet de lever la dormance induite par une accumulation d'acide abscissique en automne.
Encore faut-il que la plante ne souffre pas de carence au moment du débourrement et juste après : si les racines en phase de croissance ne peuvent se nourrir suffisamment, la dominance apicale sera forte, ce qui montre bien l’importance du facteur trophique dans la dominance. En l’absence d’une nourriture suffisante, l’une des propriétés principales des cytokinines, qui est de mobiliser les métabolites vers les bourgeons secondaires, est détournée au profit du bourgeon terminal (l’apex), lequel capte alors l’essentiel du flux des métabolites. Autrement dit, la croissance est vigoureuse (nombreuses tige orthotropes) et prend le dessus sur l’inhibition corrélative (facteur endogène du plagiotropisme) si, dans l’apex, l’alimentation est suffisante pour permettre le débourrement et la croissance simultanée de plusieurs méristèmes. Il en va de même si l’eau vient à manquer, car dans ce cas, c’est un flux d’acide abscissique qui amplifierait le phénomène. Un sol trop pauvre, en provoquant parfois un contrôle apical très fort, explique dans le pire des cas l’absence complète de ramifications latérales et l’obtention d’un axe orthotrope dominant vigoureux.
Les Acer de 2m et plus que l’on trouve parfois en pépinière, avec un tronc très haut et droit et une couronne relativement modeste, dans un petit pot, sont l’exemple typique de ce mauvais traitement.
Avec l’action de la gravité, il n’est pas étonnant qu’ils prennent ensuite une forme évasée en avançant en âge…
Cela dit, je te rejoins pour signaler l’absence de corrélations sur les rameaux peu vigoureux : les études manquent à ce sujet, mais il est plus que probable que des propriétés fixées, totalement indifférentes à la levées des inhibitions par corrélations (si l’on coupe le bourgeon apical par exemple), expliquent le faible développement d’un rameau et de ses bourgeons, sans doute dû à son potentiel de croissance fixé génétiquement le long de son axe… Dans ce cas, il est en effet impératif de ne pas raccourcir la tige dans l’espoir de déséquilibrer la balance hormonale (supprimer l’auxine, favoriser provisoirement la cytokinine) pour augmenter le nombre de tiges orthotropes, car cela restera sans effet et risque même d'affaiblir encore plus la branche !
Le comportement de ‘skeeter’s Broom’ illustre très bien la complexité du mécanisme d’inhibition par corrélation :
Comme la majorité des Acer, ses ramifications répondent au principe de l’acrotonie, c’est-à-dire se développent par une succession d’axes acrotones ou à partir de bourgeons situés à l’extrémité des branches. Il a donc une tendance très marquée à former de longues flèches (comme seiryu…). Mais, par ailleurs, son patrimoine génétique le prédispose à former de nombreuses croissances sur chaque rameau tout le long des gradients longitudinaux (basitonie et médiatonie), ce qui montre bien une faible inhibition des bourgeons sur l’ensemble de la ramification. De plus, sur les rameaux obliques, la dominance des bourgeons de la face supérieure (épitonie), et leur croissance verticale, participent à former une architecture « buissonnante » et touffue, quel que soit son âge.
Ce phénomène s’observe sur tous les cultivars issus de « balais de sorcière », comme ‘shaïna’, ‘pixie’, ‘Englishtown’, etc… Les études montrent qu’un agent cécidogène exogène (une bactérie ou un champignon) est à la source du développement des galles, appelées cécidies, lesquelles déclenchent un phénomène d’inhibition de l’allongement des axes (ce qui explique les branches courtes), et surtout d’inhibition des actions corrélatives (croissance verticale, port compact et architecture dense et touffue).
Ce qui montre la complexité des interactions concernées, c’est que les propriétés fixées génétiquement sur ces cultivars par les mycocécidies et bactériocécidies proviennent de relations trophiques (exogène donc et non strictement hormonales, l’hôte détournant les nutriments à son profit) en relation avec la production de cytokinines par le parasite qui inverse le rapport auxine/cytokinines. Il en va de même lorsque l’agent pathogène est un champignon, car ceux-ci produisent de l'AIA et des cytokinines mais, là encore, en inversant la balance hormonale, provoquant une croissance verticale (orthotrope) de l’arbre jusqu’à sa sénescence.
Dans le cas de ‘seiryu’, tu n’as pas complètement tort d’insister sur son port qui s’étale avec l’âge, ce qui est commun à de nombreuses variétés d’Acer, mais il fait partie, malgré tout, des variétés qui ont une dominance apicale faible. Tu parles de l’âge de l’arbre, mais plus sûrement encore, c’est l'accroissement de ses dimensions et la complexification de son système ramifié, qui expliquent le phénomène de géotropisme : si l'acrotonie subsiste, son effet devient plus faible avec la distance (bien avant qu’il n’entre en sénescence…) et du coup la force de gravité peut accentuer son action, expliquant l’étalement des branches à l’horizontal…
L’âge en soi n’est pas un critère, car bien avant d’atteindre les « 30 ans », de nombreux ‘seiryu’ présentent cette forme évasée ou étalée, dû principalement à l’action de la gravité, mais aussi à la prise d’autonomie des branches, tant sur le plan physiologique que morphogénétique. Le facteur externe induit là encore une inhibition corrélative (facteur endogène), à la fois hormonale et par concurrence trophique, car avec l’âge l’intensité de la dominance apicale s’affaiblie beaucoup (et devient résiduelle) : entre la photoactivation d'un pigment récepteur, le déplacement physique d'une particule mobile, et l'asymétrie du transport de l'auxine, il y a bien sûr des relations concomitantes qui expliquent le plagiotropisme issu de la dominance apicale, mais son intensité baisse avec l’âge, ce qui amène cette autonomie (relative) des branches, plus ou moins incapable de réagir négativement à la force de la gravité.
Je m'arrête là pour aujourd'hui… je reviendrais sur le cas du phototropisme plus tard, lui aussi loin d'être aussi simple...