Bonjour Princesse,
je ne retourne pas la terre parce que je suis un individu dont la fainéantise le dispute tellement à l'absence de scrupules que j'exploite en permanence des animaux pour travailler la terre à ma place. Ainsi, je suis à la tête d'une armée de bagnards sous-terrains, essentiellement des lombrics qu'il m'arrive de surveiller la nuit à la lampe de poche en hurlant des choses en allemand (pour le folklore), et qui turbinent pour moi toute l'année en échange de menus détritus que je leur jette négligemment en pâture (BRF, débris végétaux frais ou partiellement compostés, engrais verts que je sème dès que j'ai l'occasion etc...).
Peu rancuniers, ils ont même profité de cette nourriture et de la quiétude offerte par la retraite de ma bêche, et ils se sont mis à prospérer ces 3 dernières années. Les galeries qu'ils creusent un peu partout structurent et aèrent le sol mieux je ne le faisais moi-même (ils sont par exemple capables de "bécher" des endroit inaccessibles pour moi, comme le sont les touffes de racines des plantes) et plus durablement puisque les parois de leur galeries sont solidifiées de mucus et autre ciments naturels, alors que tout l'édifice que je construisais avec ma bêche, agglomérat fragile sans structure, étaient ruiné et damé en quelques pluies...
Ce sont ces galeries que les racines de mes plantes empruntent, profitant de l'absence d'obstacle bien-sur, mais aussi de la flore bactérienne qui y prospère et de la richesse de petites crottes que les vers y ont semés un peu partout (il a été mesuré que la terre des turricules de lombric pouvait être 7 fois plus riche que la terre environnante).
Bref, moins je travaille la terre, et moins j'ai besoin de la travailler... (on sait que dans les terres agricoles classique, travaillées profondément, les lombrics sont 5 fois moins nombreux que dans des prairies)
Je ne travaille la terre réellement que lorsque je défriche, ou que je crée une butte. Dans la mesure du possible, j'essaie alors de ne pas trop retourner les couches en privilégiant des outils type grelinette. Ca démolit autant les galeries des lombrics qu'une bêche classique, mais ça épargne un peu plus les autres micro-organismes en les laissant à peu près dans les horizons où ils sont fait pour vivre (les bactéries, par exemple, sont incapables de se déplacer toutes seules et se sont encore les lombrics qui jouent le taxi en les promenant dans leur tube digestif).
Même pour incorporer du fumier ou du compost, je m'interdis de le faire profondément en me contentant de le griffer. Je laisse encore une fois aux lombrics le soin de les incorporer réellement, ce qu'ils acceptent à condition que je n'épande rien de trop mûr qui ne représenterait plus une source de nourriture pour eux. Les produits vraiment affinés (lombricompost, terreau etc...) me servent plutôt pour les semis, les godets et autres cultures en pots...
De toute façon, même si je fouettais ma terre comme une pâte à beignet, je n'arriverais pas à incorporer l'humus à l'argile aussi bien que le lombric, car c'est d'abord une affaire de chimie et d'électricité qui a lieu dans son tube digestif ou en pleine terre grâce aux champignons (
http://fr.wikipedia.org/wiki/Complexe_argilo-humique). Ces derniers, bien qu'invisibles dans le sol d'un jardin, se développent en tissant des kilomètres d'hyphes qui structurent aussi le sol et véhiculent des éléments nutritifs dont profitent les plantes avec lesquelles ils forment parfois des symbioses.
Ils sont donc tout aussi vulnérables face aux labours...