sangokaku a écrit : ↑mer. 29 juil. 2020 14:24
Bonjour
Sango kaku est mon préféré et de loin. Voilà a quoi le mien ressemble aujourd'hui. La chaleur et le soleil lui a fait prendre une teinte jaune orangé, il illumine le jardin (sur les photos il est plus vert) avec summer gold, qui lui est jaune uniforme mais est un peu grillé sur le dessus. Il a le soleil presque toute la journée, est en pleine terre et n'a pour l'instant pas souffert de cet été sec et venteux
Ma quête c'est d'en disposer un semis, j'ai une dizaine de bébés de 3 ans qui ressemblent un peu au printemps, vert en été, avec un bois plus ou moins rouge, plus ou moins élancés. Donc 3 ou 4 assez proche. Vivement l'automne que je puisse de nouveau les sélectionner.
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Sangokaku
Très joli ! Mais 'sangokaku' n'a pas cette couleur en été, ses feuilles sont déjà fatiguées par trop de soleil et de chaleur, il y a un risque non négligeable qu'elles ne tiennent pas le reste de la saison. Mes 2 'sangokaku', l'un en pleine terre qui mesure plus de 2m, et l'autre en pot, sont entièrement verts clair, ainsi que 'bi hoo', 'Japanese sunrise', etc...
Un érable du Japon n'a réellement besoin que d'1 ou 2 heures des soleil direct/jour, tôt le matin. Ses défenses sont touchées très vite au-delà. Il ne faut jamais oublier que les Acer ont autant besoin (sinon plus) de la raie rouge claire du spectre lumineux que de la raie bleue (au prix certes d'un léger allongement des entre-nœuds), ce sont des plantes de sous bois ou de lisière de forêt... Il y a un moment, j'avais annoncé que je vous écrirais un article consacré au rôle de la lumière sur le métabolisme des Acer, mais mon travail avec le confinement à quasiment doublé... Bientôt, peut-être...
PS : Voici vite fait ce que je voulais vous dire sur le rôle de la lumière.
D’une manière générale les Acer, comme d’autres plantes reposant sur le modèle architectural de Champagnat possèdent de fortes propriétés d’adaptation à leur environnement lumineux. Cependant, en condition normale de culture, cette adaptabilité se manifeste dans une situation naturelle de mi- ombrage, c’est-à-dire lorsque les parties aériennes de la plante sont soumises à une fluctuation de la composition spectrale de la lumière, incidente ou réfléchie, mais sans que la quantité globale de lumière ne baisse forcément (c’est la différence avec l’ombre vraie) car, dans leur stratégie d’évitement de l’ombre, les Acer (comme toutes les plantes ligneuses) ont la capacité de détecter les concurrents voisins, signes précoces qui indiquent une évolution de leur environnement vers des conditions plus défavorables.
Les Acer utilisent la lumière, d’abord comme source d’énergie pour la photosynthèse (forte intensité), mais aussi comme un signal (faible intensité) pour adapter leur croissance et leur développement (photomorphogenèse). La conversion énergétique réalisée par les organes chlorophylliens lors de la photosynthèse, et les différents systèmes d’informations sur leur environnement au travers de la perception de la composition spectrale de la lumière, font partie des paramètres à prendre en compte pour expliquer leur apparence physique et esthétique, mais aussi et surtout pour apprendre à les cultiver dans de bonnes conditions.
Quantité (ou intensité, c’est-à-dire la quantité de photons reçus par la surface foliaire pendant une durée définie) et qualité (ou composition spectrale, Photosynthetically Active Radiation ou PAR : de 300 à 700 nm) sont deux caractéristiques de la lumière aussi vitales aux Acer que l’eau !
Sous l’effet du rayonnement lumineux, la machinerie photosynthétique va transformer le carbone minéral, contenu dans le CO2, en carbone organique. Mais son bon fonctionnement dépend d’un équilibre toujours fragile entre l’ouverture/fermeture des stomates, qui permet à l’Acer d’emmagasiner du CO2, et la perte d’eau qui en découle, laquelle est pourtant nécessaire au transit de la sève brute. La force de la conductance stomatique va donc avoir une grande influence sur la capacité de l’Acer à synthétiser sa biomasse (surface et épaisseur de la feuille, densité et diamètre des nervures, longueur du pétiole, etc…) en influençant l’efficacité de la photosynthèse.
Que son feuillage reçoive la lumière directe du soleil dans un habitat ouvert située dans une zone géographique tempérée, ou qu’il bénéficie d’une couverture végétale le protégeant du soleil brûlant, l’Acer doit faire face à des changements quotidiens et saisonniers de la composition de la lumière. En situation protégée, en bordure immédiate d’un couvert végétal dense ou au niveau du sous-étage forestier, c’est-à-dire dans des environnements non homogènes donnant un accès transitoire à la lumière du soleil non filtrée, selon sa position dans le ciel ou l'heure de la journée, un Acer doit s’adapter à une diminution plus ou moins forte du rapport Rouge clair/Rouge sombre (R/FR), et à un appauvrissement du spectre bleu (B), capté par réflexion sur le sol (pour les parties basses et médianes de la ramification) ou grâce aux trous éventuels de la canopée (pour les parties hautes). La signature spectrale des tissus végétaux entourant un Acer a une grande influence sur la composition de la lumière dont il peut disposer dans un contexte écologique où l’Acer est rarement isolé, mais placé dans une communauté où la concurrence pour la lumière est élevée.
Il est raisonnable de penser que le port très fortement plagiotrope des très vieux érables, formant avec le temps des plateaux spectaculaires et très esthétiques, puisse aussi s’expliquer, en dehors du gravitropisme, par cette adaptation aux conditions de luminosité induite par la masse des feuilles formant ces plateaux et filtrant fortement le spectre lumineux utile.
Quoi qu’il en soit, ces conditions très variables et changeantes, induisent plusieurs photoréactions débouchant sur une série d'adaptations morphologiques qui sont censées aider la plante à dépasser ses concurrents : allongement de la structure des axes principaux, élévation des feuilles, ainsi que ramification secondaire réduite, mais aussi phototropisme (port des axes tournés vers la lumière). De tels changements morphologiques et développementaux sont associés à une amélioration de la condition physique dans des environnements concurrentiels, mais se produisent au détriment de la production de biomasse. Les études les plus récentes montrent que le "syndrome d’évitement de l’ombre" et le "phototropisme" sont 2 phénomènes intimement liés (pas le temps de développer, désolé !).
Les photorécepteurs qui captent ces signaux lumineux appartiennent à plusieurs familles, dont 3 nous intéressent dans le spectre visible : les phytochromes, les cryptochromes et les phototropines. Il s'agit de chromoprotéines (pigment + protéine) dont la sensibilité est spécialisée dans certaines gammes de longueur d’onde : le rouge clair (entre 650 et 680 nm) et le rouge sombre proche de l’infrarouge (entre 710 et 740 nm) pour les phytochromes, le bleu (entre 350 et 500 nm) pour les cryptochromes et les phototropines. Les phytochromes (sensibles au rouge) et les cryptochromes (sensibles au bleu), régulent la croissance et la morphogenèse (élongation des axes vers la lumière), tandis que les phototropines modulent le phototropisme positif (croissance directionnelle de la plante, c’est-à-dire dans le sens de la source lumineuse).
Or, ce qu’il faut surtout retenir de l’action de ces 3 familles de photorécepteurs, c’est qu’ils ne fonctionnent pas isolément, mais ont une action coordonnée : évitement de l’ombre et phototropisme dépendent du croisement des informations en provenance de ces différents systèmes photosensoriels.
En situation protégée, la composition spectrale de la lumière, incidente ou réfléchie, affecte donc les Acer. Ce sont les propriétés optiques des feuilles environnantes qui expliquent ce résultat : en fonction des caractéristiques biochimiques des feuilles (teneur en pigments, structure cellulaire, teneur en eau, état physiologique, etc…), le comportement spectral de la couverture végétale joue le rôle de filtre.
Ainsi, les pigments foliaires que sont les pigments chlorophylliens (pigments verts), les carotènes (pigments orangés) et les anthocyanes (pigments bleus et rouges orangés), absorbent ou réfléchissent la partie du spectre lumineux à laquelle ils sont sensible :
Les pigments chlorophylliens étant de loin les plus abondants, ils agissent essentiellement sur deux bandes d'absorption, dans le bleu (450 nm) et dans le rouge clair (660 nm). En revanche, ils ont une réflectance globalement faible avec un maximum relatif autour du vert (550 nm).
Les caroténoïdes absorbent essentiellement le bleu.
La plus grande réflexion observée se fait sur le rouge sombre, proche de l’infrarouge (700 à 750 nm) et elle ne concerne pas les pigments chlorophylliens, mais le parenchyme lacuneux ou mésophylle, c’est-à-dire la couche cellulaire formée de cellules irrégulières et d'espaces intercellulaires dans lesquels sont stockés les gaz échangés entre la feuille et l'atmosphère. C'est au niveau de cette couche, lieu d'échange entre l'oxygène et le dioxyde de carbone dans les processus de la photosynthèse et de la respiration, que le rayonnement rouge sombre est fortement réfléchi.
Pour que la conversion de l'énergie lumineuse en énergie métabolique soit optimale, un Acer a besoin d’une forte intensité lumineuse. Ceci est particulièrement vrai au moment du débourrement. Sous faible éclairement, la photochimie est ralentie et le métabolisme d’autant.
Mais la qualité du spectre lumineux est prépondérante : les Acer ont besoin d’un rapport équilibré entre le rayonnement rouge et le rayonnement bleu même si, comme beaucoup de plantes, ils sont capables de s’adapter aux contraintes environnementales (l’adaptation implique une modification génétique irréversible transmise à la génération suivante) ou, du moins, de s’acclimater (dans ce cas les modifications anatomique, morphologique ou physiologique sont réversibles et non transmissibles).
Si la lumière rouge clair (Red : R) favorise la photosynthèse, un excès de lumière rouge sombre (Far Red : FR) la fait baisser (en situation d’ombrage vrai). De même, si la lumière bleue favorise l’ouverture des stomates (par l’intermédiaire des zeaxanthines et des phototropines), ce qui a pour effet une augmentation de la photosynthèse et, comme le suggère plusieurs études, une plus grande efficacité de l’utilisation de l’eau, en revanche une grande quantité de lumière bleu dans la lumière blanche (lorsque l’Acer est en situation isolée, par exemple, et sous forte lumière incidente aux heures les plus chaudes, entre 12h et 16h) peut être problématique sans une acclimatation préalable, voire une adaptation sur le plus long terme : elle induit une grande conductance stomatique (cela correspond à l'efficacité du transport de l'eau dans la feuille lorsque les stomates sont complètement ouverts), elle implique aussi une forte résistance hydraulique du mésophylle (la conductance hydraulique foliaire est définie par le rapport entre la pression nécessaire pour faire circuler l’eau dans la feuille et sa surface ou sa masse, puisqu’une augmentation de la surface de la feuille ou de son épaisseur induit de façon proportionnelle une augmentation de résistance des tissus), ce qui a pour effet de limiter l’absorption du CO2. Or, cette diminution de transfert de CO2 vers les chloroplastes réduit la photosynthèse nette et donc la synthèse de biomasse (modification de la morphologie). Les Acer sont des plantes semi-sciaphiles (de mi-ombre).
De manière générale, la croissance des Acer en milieu semi-ombragé ou, à plus forte raison, en milieu ombragé (sous-étage forestier), est modulée par une plus faible photosynthèse corrélée à leur plus faible transpiration. Mais certaines variétés, en particulier celles issues du cultivar ancestral 'shigitatsu sawa' (et donc toute la série des 'ghost') se sont adaptés à cette situation par des mécanismes, spectaculaires sur le plan esthétique, d’approvisionnement en eau de la feuille (forte réticulation des nervures), en allouant une forte résistance hydraulique au mésophylle et surtout en modulant les flux hydriques par une réduction du nombre de cellules épidermiques et stomatiques, ce qui explique que leurs feuilles très fines grillent facilement au soleil.
Donc, lorsque la lumière ambiante est riche en rayonnement rouge sombre (rouge sombre, Far Red : FR), pauvre en lumière rouge clair (Red : R) et en lumière bleue (B), la photoréaction du phytochrome A (Pfr : de l’anglais phytochrome far-red-absorbing, forme active du phytochrome, sensible au rouge sombre) a pour effet de lever l’inhibition du grandissement cellulaire, provoquant un allongement des tiges et des feuilles (lesquelles deviennent aussi plus fines, d’où l’idée de cultiver les Acer sous le plein soleil pour fixer génétiquement cette capacité et rendre l'Acer plus résistant au soleil : c'est ce que fait Maillot, par exemple, méthode qu'il doit à Talon Buchholz ). Ce phénomène irréversible d’allongement des entre-nœuds s’appelle le « syndrome d’évitement de l’ombre » et vise à maximiser la capture d’énergie en forçant la croissance vers la lumière non filtrée, enrichie en radiations de rouge plus efficaces dans le processus de la photosynthèse, et de bleu. C’est une adaptation à la compétition pour la lumière et l’occupation de l'espace.
On comprend ainsi qu’un Acer cultivé en pot et placé dans une situation inadaptée, en serre par exemple, c’est-à-dire avec une filtration importante de tout le spectre visible, présentera une forte tendance à croître en hauteur en produisant des jets dotés d’entre-nœuds longs et sa ramification latérale sera moindre. Malgré le peu d’études sur le sujet, il y a bien sûr un lien étroit entre la réponse photomorphogénétique exogène des axes et le contrôle apical endogène...
Pour en venir plus spécifiquement au rôle de la lumière bleue, sa plus ou moins forte intensité en fonction des conditions environnementales peut avoir des effets à la fois sur les mécanismes de la photosynthèse, du métabolisme glucidique, et du métabolisme hormonal :
Je m'arrête là, plus le temps...