Bonjour à tous,
Ce fil de forum est tout à fait fascinant (je viens d'en achever la lecture complète, oui! complète). Il est ouvert depuis bientôt 3 ans et demi et cumule près de 1500 messages, ce qui est très rare (toutes sortes de forums confondus). Et malgré quelques vicissitudes, il n'a pas dévié de son objet initial, ou plutôt il y est fermement revenu après une sorte d'écart passager (et là, c'est carrément exceptionnel sur internet).
Le BRF a décidément des effets tout à fait originaux...
Ce qui me frappe, c'est que la vie de ce fil - parfois mouvementée - est passée par trois périodes, assez nettement différenciées, qui témoignent peut-être de la manière dont le BRF a été reçu et comment il a été appréhendé dans le "petit monde" des jardiniers amateurs:
- une première phase, je dirais, d'"évangélisation pragmatique", animée de mains de maîtres surtout par Oncle Fritz et Appius, répondant à une curiosité très vive sur le sujet du BRF de la part de jardiniers novices sur le sujet.
- dans une seconde phase, je dirais que ce fil a été victime du succès - peut-être "de mode" - du sujet BRF: l'afflux de posteurs variés a fait foisonner la conversation (elle est même partie dans tous les sens!). Il s'y est même dit beaucoup de bêtises, à ce moment-là, tant ce fil a été approprié par un public intéressé par le BRF, mais en réalité assez mal informé et tenant des propos parfois baroques et souvent très confus. On a même fini par voir arriver les trolls, qui faillirent bien faire couler le navire - ce qui est généralement la manière dont s'éteignent les conversations de ce genre sur internet (on peut noter que Oncle Fritz et Appius avaient préféré s'effacer de ce fil à ce moment, préférant ouvrir d'autres fils sur le sujet, dans le même forum...

)
- Et puis cette conversation s'est étonnamment réveillée, vers le milieu de l'an dernier, pour reprendre à très haut niveau, dépassant de loin l'évangélisation pragmatique des débuts, pour parvenir à un échange d'expériences très riche et extrêmement pointu, quasi... scientifique! L'arrivée d'un "poids-lourd" du débat en ligne sur le BRF comme Yann58 n'étant certainement pas étrangère au "retour" d'Oncle fritz et Appius et à l'agrégation autour d'eux de quelques vrais passionnés de l'expérimentation potagère en matière de BRF.
Je précise, pour info, que personnellement je ne suis pas venu au BRF par ce forum, mais que je suis arrivé à ce forum... par le BRF. Je suis "arrivé au BRF" par une réflexion sur l'agriculture naturelle de Pousset, l'agriculture sauvage de Fukuoka ou le jardin naturel de Lespinasse, ce qui m'a conduit naturellement vers les Lemieux, Hébert, Pain, Dupety, Bourguignon, à travers des sites "de référence", animés par de véritables "spécialistes", comme lesjardinsdebrf.com ou Terre d'Humus...
C'est à travers ce parcours personnel au sujet du BRF (un parcours essentiellement en ligne et dans les livres, car ma vie pour le moment me tient assez éloigné de la terre - au 4e étage d'un immeuble parisien, mon "potager" se résumé actuellement à deux jardinières sur le balcon!

Mais ça va très bientôt changer!

), que j'en viens à ces quelques réflexions, tirées de la lecture de ces 100 pages (!) de commentaires ici-même.
• comme le redoutaient Oncle Fritz et Appius, qui n'ont cessé depuis plus de 3 ans de souligner ici le caractère expérimental de la "démarche BRF", et le risque de désillusion entrainé par des attentes trop fortes ou inadéquates comme par les échecs inévitables, on a bien vu une sorte d'engouement potager pour le BRF. Celui-ci semble aujourd'hui retomber, et on en revient aux choses sérieuses.
• Je ne crois par, pour autant, qu'il faille interpréter cet engouement par une sorte d'effet de mode, destiné "mécaniquement" à passer. Bien des commentaires en témoignent dans cette conversation, il faudrait plutôt parler d'une sorte d'erreur sur la marchandise. Si certains ont semblé attendre du BRF une sorte de miracle, ça tient surtout à leur propres attentes en matière de jardinage: le rendement!
• On s'est souvent bien éloigné dans ce fil des questions, pourtant fondamentales en matière de BRF, d'agradation des sols dégradés, de reconstitution d'un sol vivant, et de pédobiologie... (je note au passage, malgré les efforts remarquables d'Appius pour ramener inlassablement un peu d'"esprit scientifique" dans tout ça, que le simple terme de "chaîne trophique" (et le concept qui va avec...) n'intervient pour la première fois, sauf erreur de ma part, que sous le clavier de nénesse55... à la page 55!).
• ce succès "public" du BRF aura été pour l'essentiel celui du mirage de la "recette miracle". Ce qui a amené beaucoup d'internautes ici (et au BRF en général), c'est manifestement la recherche de "solutions clé-en-main", avec effets directs et rapides, alors même que certains ne cessaient pourtant de rappeler la nécessité de l'expérimentation au long cours et de la patience.
• souvent les effets "seconds" du BRF, étant entendu que l'effet "premier" reste à mon sens l'objectif d'agradation et de reconstitution de la vie du sol, des effets comme celui de la diminution du travail du sol et de l'irrigation ont été mis au premier plan. Quoique même pas toujours: j'ai bien lu, ici-même, que certains pratiquaient le BRF hors sol (sur bâche) !! ou à la motobineuse !!!
• En réalité, je crois que la dimension fondamentale de l'
agradation avec le BRF (sol biologiquement vivant), par différence avec les notions d'
engrais (nourrir directement la plante) ou d'
amendement (corriger la chimie du sol), n'est pas "passée" dans une large partie du "grand public potager". D'où les confusions très souvent relevées dans ce fil entre BRF et compost, entre humification hors place, à chaud et avec "du vert", et humification en place, à froid et uniquement avec "du ligneux".
• C'est enfin, malheureusement, une illustration, à mon avis, de la difficulté à faire passer dans le plus grand nombre une message réellement écologique, alors même que tout le monde a le terme d'écologie sur les lèvres et que l'on repeint tout en vert de nos jours. L'écologie devrait s'entendre, à mon sens, comme une approche scientifique (c'est à dire pragmatique et raisonnée) de la complexité des interactions qui amènent à l'équilibre un écosystème dans sa globalité. Par exemple: le potager

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On en est bien loin quand la plupart se cantonnent à un discours de nature morale (et parfois religieuse) sur la "Nature", "sauver la planète", "ne pas faire de mal aux animaux", retrouver le Paradis perdu, etc., ou bien un discours "économique": préserver l'héritage de nos enfants, se préparer à la fin des ressources fossiles, faire produire plus et mieux à la Terre en dépensant moins, etc.