Aujourd'hui Dimanche 9, c'est le deuxième dimanche de l'avent, dans 15 jours ce sera Noël.
Voici la petite histoire :
LA PETITE FILLE
Les enfants sortent de l’école et se dispersent en riant, la petite fille se baisse et remonte les méchantes chaussettes de laine sur ses jambes. Elle ne les aime pas, elles grattent sa peau rosit par le froid, elle n’aime pas non plus le vilain manteau si fin, qui jadis à dû être d’une belle couleur bleu marine, mais qui aujourd’hui est d’un bleu gris indéfinissable. Elle traverse la rue, monte les quelques marches du parvis de l’église qui fait face à l’école, pousse le lourd battant au groom fatigué. Elle se hisse sur la pointe des pieds pour tremper le bout de ses doigts dans le bénitier, comme sa mère le lui a montré, elle fait son signe de croix et remonte discrètement l’allée de pierre vers un coin sombre près de l’autel.
Fébrile elle fouille dans sa poche, en sort une pièce de 20 francs qu’elle glisse dans la fente d’une grosse boîte. Autour d’elle tout est froid, silence, obscurité. Et soudain une lumière s’allume révélant un ange à la grâce sereine vêtu d’une ample robe de tissu rose, auréolé d’une mousse de cheveux blonds, puis une musique sortie de nulle part, tambourins et fifres, et l’ange semble chanté :
« Il est né le divine enfant
Jouez Hautbois résonnez Musette
Il est né le divine enfant
Chantez tous son avènement »…
Une autre lumière s’allume révélant un village aux maisons carrées, aux fenêtres oblongues, aux toits en terrasse surplombés d’un ciel bleu de nuit où brille la foultitude des étoiles.
Une autre lumière encore, celle-là éclaire un petit âne qui descend une rue, les flancs alourdis par deux grosses banastes emplies de légumes. Devant lui marche un enfant rieur.
Une autre lumière, et soudain c’est la place d’un marché qui prend vie, un boulanger au ventre rebondi étale ses pains odorants, les volailles caquètent, les pyramides de victuailles croulent de couleurs. De curieux personnages vêtus de longues robes blanches et de petits chapeaux rouges discutent.
Dans le côté Est, une lueur s’éclaire, révélant une grande tour aux fenêtres illuminées de jaune
La petite fille n’a plus froid, ses chaussettes retombées en tire bouchon sur ses mauvaises chaussures ne la grattent plus. Ses yeux écarquillés gobent avidement les scènes.
Une lumière encore, découvre un univers champêtre. Un berger assis sur un rocher, son chien à ses côtés un autre berger plus loin appuyé sur sa houlette, des moutons paissent, des chèvres peu sages mangent les feuilles d’arbres rabougris.
Et la musique s’amplifie soudain.
Deux lumières s’éclairent d’un coup dévoilant un petit peuple en marche, et une grosse lumière irradie une étable ou rumine un bœuf placide, un âne aux yeux si doux, un père, une mère, attentifs, et là dans la crèche, un petit enfançon qui dort et sa couche est comme un soleil qui resplendit.
L’ange porte un doigt à sa bouche et s’incline légèrement dans un salut cérémonial.
La petite fille sent son cœur s’affoler, elle sait ce qui va suivre, elle embrasse de ses yeux avides tout le décor, elle ne veux rien perdre, tout garder, là.
Les lumières se sont éteintes, l’ange s’est immobilisé, dans le froid et la pénombre la petite fille court jusqu’à la porte, elle en oublie même son signe de croix et sa génoufléxion devant la petite lumière rouge.
A présent elle se hâte au long des trottoirs, les lumières des magasins ne l’intéressent pas, les quelques illuminations qui se balancent dans un vent de plus en plus froid non plus, elle a enfermé dans ses yeux d’autres lumières.
Elle grimpe l’escalier, pousse la porte, la pièce est chaude et cette chaleur saisit ses joues gelées. Elle embrasse sa mère qui repasse, surveillant du coin de l‘œil les fers qui chauffent sur la cuisinière à charbon, son père écoute la radio tout en épluchant des pomme de terre :
« Dis papa, tu pourrais me donner une pièce de vingt francs.
- Encore…! Qu’est ce que tu manges comme bonbons en sortant de l’école, si tu continues tu auras les vers et tu auras droit au vermifuge de l’éléphant.
Le père glisse sa main dans la poche de son bleu de travail, extirpe son vieux porte-monnaie, en sort deux pièces qu’il glisse dans la petite main froide.
Dans son lit, la petite fille s’est endormie. Un sourire flotte sur ses lèvres, elle sait que demain par deux fois, elle retrouvera le bel ange, qu’elle a appelé « esprit de Noël »
Le père se penche sur le petit lit, remonte la canadienne qu’il a posé sur l’enfant, les nuits sont si froides :
« La Canotte est déjà partie au pays des anges » dit-il .