CHANIWA a écrit : ven. 27 août 2021 9:23
Bonjour à tous. Après la visite matinale les pieds dans la rosée... je me suis posé la question de la configuration du jardin.
Sachant qu'il va bien falloir trouver une place aux bébés qui arrivent, comment faire ?
Globalement j'avais pour habitude de disposer les arbres espacés de manière plus ou moins régulière, et je me rends compte que finalement faire des "ilots" de 3-5 arbres donne plus de rythme au jardin. D'où mon questionnement.
Comment par exemple Misologue va gérer son arboretum ?
Comment utiliser au mieux l'espace quand le jardin n'est pas très grand ?
Opus m'avait dit qu'on pouvait planter les érables d'une même variété en touffe... oui mais si je mélange un Seiryu, un Osa et un Trompenburg, quelle distance minimum entre troncs puis-je laisser de manière à ce que cela soit esthétique (mélange des branches et des feuilles) ?
Bref ! Ça bouillonne.
Pas évident non plus de savoir s'arrêter. Trouver l'équilibre entre trop et "je peux encore en mettre un".
Où alors jouer la carte de la profusion ?
Comment décidez-vous ? Esthétisme ? Pragmatisme ?
C’est une très bonne question que tu poses là CHANIWA ! A vrai dire je continue de me l’a poser tous les jours tant il y a à faire dans un jardin (en perpétuelle construction), et plus l’espace est grand, plus les possibilités se bousculent et compliquent le choix !
Jardin (forcément limité en superficie) et arboretum (plus vaste) n’ont pas les mêmes contraintes mais soulèvent les mêmes questions : comment configurer et organiser l’espace disponible, quelles plantes choisir, comment les associer dans les trois dimensions en tenant compte de leur taille réelle à maturité, de leur architecture et des effets esthétiques que vont apporter les rapports de couleur, les différences de ports ou de feuillage ?
Les visites récentes de plusieurs jardins remarquables en termes d’ancienneté, de diversité botanique, de surface et surtout de topologie (présence de pentes et de cuvettes), m’ont apportées quelques réponses :
- La première chose à prendre en compte, c’est bien sûr le gabarit des plantes à l’âge adulte (hauteur, largeur, forme également) : pour ceux qui ont l’habitude de la culture en pot ou en container ou qui achètent des petits sujets, vous seriez surpris des dimensions que peuvent atteindre les mêmes variétés en pleine terre dans un environnement qui leur convient ! La vigueur mais aussi la morphologie changent parfois radicalement. Vertrees, et tous les cultivateurs expérimentés que je connais, le rappellent souvent. Buchholz reproche même à Vertrees, dans la 4e édition de son Japanese Maples, de qualifier de « naines » des variétés bien plus imposantes une fois adulte. La durée de vie d’un Acer, en terrain et en climat favorables, lui permet de se développer de façon continue. Il convient alors de raisonner en considérant la forme aérienne de l’arbre dans 15 ou 20 ans, à maturité. Le port naturel d’un adulte peut considérablement évoluer et concurrencer l’arbre voisin au point de créer un enchevêtrement inesthétique ou pire d’empêcher la lumière de passer ce qui provoque souvent l’abandon d’une ou plusieurs branches, celles qui restent toujours dans l’ombre. C’est un problème qui concerne d’abord les petits jardins où l’espace est compté. Même les variétés qui craignent le soleil direct et la chaleur (les feuillages clairs, avec peu de chlorophylle ou les réticulés) ont besoin de lumière pour se développer convenablement. Dans un jardin récent, il est possible de déplacer les arbres pour corriger les erreurs mais plus l’arbre avance en âge et plus l’opération se montre délicate à réaliser matériellement pour assurer une bonne reprise.
- La seconde préoccupation concerne évidemment la structure du jardin : il s’agit d’abord de maximiser l’espace disponible en dessinant un ou plusieurs axes de circulation incluant tous les obstacles, naturels ou artificiels, avec lesquels ou autour desquels l’espace va s’organiser. Cette méthode permet de concevoir des zones, c’est-à-dire des espaces bien marqués sur lesquels pourront prendre place des plantes associées entre elles selon un thème. Ces zones ou ces « ilots » peuvent s’organiser de plusieurs façons, en fonction de nombreux thèmes : soit par rapport à un élément présent (un arbre majestueux, un bâtiment, un mur, des rochers, un plan d’eau, une pergola, une terrasse, etc…), soit en jouant avec la déclivité du terrain (pour créer un étagement en hauteur faisant apparaître une harmonie de couleurs ou de formes de feuillages), soit en créant une perspective (ou en cassant la perspective lorsque le jardin est étroit et tout en longueur), soit en juxtaposant un espace forestier densément peuplé (avec son mystère et ses secrets…) et un espace dégagé, ouvert (avec des espèces plus basses), soit en jouant sur les oppositions de couleurs et de formes, soit enfin en associant plantes d’ombres et plantes de plein soleil… Choisir un thème est chose aisée, car il s’impose vite selon les contraintes, ce qui l’est moins, c’est sa mise en œuvre pour que l’ensemble soit source de plaisir, invite à la rêverie ou provoque la surprise. Chaque contrainte peut être exploitée pour créer une zone accrochant le regard.
Pour reprendre ton exemple de « l’ilot », il convient de faire trois choses, au moins :
- organiser l’espace de chaque ilot dans les trois dimensions : les plantes doivent s’étager en hauteur de telle sorte qu’elles restent toutes visibles, du premier au dernier plan, avec assez d’espace entre elles pour rendre possible les travaux d’entretien. Jouer avec les tailles de transparence pour dégager les charpentières des plus grands sujets. Dans un petit jardin, placer les grands sujets au fond (ou au centre de l’ilot) et les nains au premier plan : 1m minimum entre les petits sujets. Dans un grand jardin, 3m ou plus entre les grands sujets semble raisonnable…
- Casser les perspectives, empêcher le regard d’embrasser tout l’espace, afin de forcer le visiteur à se déplacer pour découvrir la scène suivante. Pas de plates-bandes rectilignes, mais des courbes prononcées, des massifs et des zones engazonnées. Le dessin du jardin doit proposer un cheminement (avec un ou plusieurs axes, des raccourcis) permettant de passer d’une zone à une autre avec à chaque fois une limite bien marquée. C’est aussi la possibilité de soigner ses allées avec des matériaux variés, des bordures changeantes.
- marier les couleurs et les formes, en respectant harmonie et opposition. Le choix des espèces et des variétés est si vaste que chacun peut y trouver son compte.