Pour revenir au sujet...
Je crois qu'il est bon de rappeler que le compost à ses limites, qu'il ne suffit pas d'en jeter 3 pelletée pour aller s'allonger sur son transat, mais peut-on vraiment lui nier si vite toute valeur fertilisante :
un compost ne peut pas "nourrir" des légumes, ce n'est qu'un support "sans valeur nutritive".
Pour s'en persuader, il suffit de faire analyser son compost : de l'azote en quantité +ou- élevée, pas de calcium, pas de phosphore et pas de potasse !
La législation se serait-elle fourvoyée en classant les composts parmi "les matières fertilisantes" et non dans la catégorie des "supports de culture", ou elle range les terreaux et les tourbes?
Non, bien sur.
Je ne connais pas la composition du compost de ménage de Mr et Mme Tout-le-monde, ni même du mien, mais voici les compositions connues de quelques composts s'en rapprochant que fabriquent les collectivités ou les professionnels:
- Compost de biodéchets de ménages :
(Les biodéchets de ménages comprennent les déchets alimentaires, les déchets verts des ménages, les papiers et les cartons, issu de la collecte collective et des apports volontaires.)
en g par kilo:
N : 17,5 P
2O
5:10,2 K
2O:15,8
- Compost de broussailles :
(déchets végétaux ligneux)
N : 4-15 P
2O
5: 1-4 K
2O:15-25 CaO:20-100 MgO:1-8
- Compost de déchets verts :
(résidus végétaux issus de l'entretien des jardins et espaces verts publics et privés)
N : 8 P
2O
5: 4 K
2O: 7 CaO: 26 MgO: 3
(source : Guide des matières organiques, Tome 2, Itab 2001)
La composition de nos composts maisons doit donc être très proche du compost dit de "biodéchets", sinon varier vers l'une des 2 autres selon la proportion de déchets verts ou ligneux qu'on utilise.
En tout cas, on voit, d'une part, que les composts sont loin de n'être que des supports de cultures sans valeur nutritive et, d'autre part, qu'ils ne contiennent pas seulement de l'azote. La part d'azote est même souvent inférieure à celle de la potasse.
A noter que les ces chiffres sont ceux de composts réalisés à grande échelle par des professionnels, qu'ils correspondent donc à des produits qui sont brassés beaucoup plus souvent et régulièrement, et qui s'accompagnent de dégagements de chaleur plus élevés et plus soutenus que chez un particulier. Or chaleur et brassages favorisent la perte d'azote par volatilisation, une perte qui, dans certains cas (lorsqu'il y a beaucoup d'azote au départ, comme sur un fumier de volaille), peut toucher 40% de l'azote originellement présent. Il y a donc des chances que nos composts, moins brassés et moins chauffants, soient un peu plus azotés que ce qui apparait dans ces chiffres. Enfin, nos composts sont souvent affinés plus longtemps et sont par conséquent plus concentrés. Le meilleur exemple de la richesse obtenue grâce à un processus froid et un affinage soigné est surement le lombricompost. C'est pas Papyjo qui nous dira le contraire...
Il n'est pas inutile de comparer ces chiffres à ceux d'autres matière organiques, compostées ou non :
- Fumier de bovins non composté, issu d'une litière accumulée très compacte:
N : 5,8 P
2O
5: 2,3 K
2O: 9,6
- Compost de fumier de bovins:
N : 8 P
2O
5: 5 K
2O: 14
- Fumier d'ovins non composté :
N : 6,7 P
2O
5: 4 K
2O: 12
- Compost de fumier d'ovins
N : 11,5 P
2O
5:7 K
2O: 23
- Fumier d'équins non composté:
N : 8,2 P
2O
5: 3,2 K
2O: 9 MgO: 2
- Fumier de poulets
N : 25,4 P
2O
5: 12 K
2O: 17
- Compost de fumier de poulets à 1,5 mois:
N : 24 P
2O
5: 24 K
2O: 19
- Compost de fumier de poulets à 6 mois:
N : 24,9 P
2O
5: 28 K
2O: 25
(on voit bien la perte d'azote ici puisque son taux reste stable quand le reste se concentre)
(source : Guide des matières organiques, Tome 2, Itab 2001)
Et vous trouverez ici encore un tableau très complet qui vous permettra de comparer un "compost végétal urbain" à une foule d'autres produits organiques fertilisants:
http://www.agro-systemes.com/engrais-organiques.php
Bref, si l'on compare ces chiffres avec ceux des compost ménagers et affiliés, on s'aperçoit que
- les compositions sont très variables, et les plus riches ne sont pas forcément ceux qu'on croit!
- l'azote est rarement prédominant, et c'est la potasse qui est souvent la plus présente.
- calcium et magnésium sont aussi présents, particulièrement dans les compost végétaux.
- disposer de fumier de cheval n'implique pas qu'on puisse se passer du bon vieux compost familial.
Autre donnée qui a été complètement ignorée, bien que très importante, c'est la minéralisation de l'humus, qui résulte de la décomposition sur plusieurs années de la matière organique humifiée du sol. Cet humus se transforme donc lui-même au fil du temps en engrais assimilable pas les plantes.
L'importance de cette minéralisation à été mesurée, au Canada par exemple :
http://archimede.bibl.ulaval.ca/archime ... html#d0e47
ou l'on note que "les sols organiques possèdent un potentiel élevé de minéralisation de l’azote. Dans des conditions de champs, avec une Longue Période de végétation, les quantités d’azote minéralisable pourraient combler une partie des besoins des cultures en fertilisant azoté"
( et si l'on songe que la Beauce a été une vaste forêt pendant des centaines de milliers d'années avant d'être défrichée à partir de l'an Mil, on comprend mieux la richesse de ces terres avant qu'elles n'aient été transformées en passoires à nitrates ces dernières années)
Evidemment, cette minéralisation est très variable, soumise aux conditions météo et à la nature du sol d'origine.
C'est d'ailleurs ce processus de minéralisation que vous sollicitez lorsque vous chaulez vos sols. (d'ou l'adage : "la chaux enrichit le père mais ruine le fils")
On oublie ici cette minéralisation, mais les professionnels prennent soin de l'évaluer dans leur calculs :
Autres chiffres précis sur la minéralisation :
dans un compost de fumier de volaille on a :
azote minéral assimilé dans l'année : 30%
azote organique assimilé dans l'année : 20%
azote organique assimilé les années suivantes : 50%
C'est certain que fertiliser au compost oblige un peu à réfléchir sur le long terme. Mais la stabilité du produit et la libération lente des éléments nutritifs sont aussi un atout de régularité pour les plantes, pas seulement un inconvénient.
Si il s'avèrent parfois insuffisants pour des plantes à croissances rapide et gourmandes (mais qui n'a pas vu déjà d'énormes citrouilles prospérer à même un tas de compost?), il faut songer des pratiques qui favorisent l'enracinement et les mycorhizes (BRF, travail minimum du sol), permettant de se passer de concentrations élevées d'éléments nutritifs puisque les plantes sont capables d'aller les chercher sur de plus grandes distances et, s'agissant des mycorhizes, de se les faire apporter même de très loin.
Et rappelons enfin l'intérêt des cultures d'engrais verts qui permettent d'intercepter les éléments nutritifs qui fuiraient sinon dans un sol nu, et de les remonter en surface, voir d'augmenter le taux d'azote total quand il s'agit de légumineuses...