Les engrais : que sont-ils ?
Vaste question !
Ce qui est à la base de l'emploi des engrais est le manque d'éléments nutritifs dû à l'exportation des récoltes hors du champ. Étudions donc tout d'abord quels sont les éléments qui sont consommés par les plantes et puisés dans le sol, nous connaîtrons alors plus facilement ce que doivent être les engrais, calculés pour rendre au sol ce que les plantes y ont puisés et que l'homme a extrait du circuit du recyclage pour sa propre consommation.
La nutrition des plantes
Les plantes se nourrissent en puisant des éléments dans l'air, dans l'eau et dans le sol.
Concernant ce qu'elles puisent dans l'air, il s'agit principalement du carbone sous forme de CO2 et d'oxygène dans une moindre mesure. Inutile de vouloir augmenter la quantité de CO2 dans l'air, cela se fait en serre, mais nous restons dans le domaine de la culture en plein champ ou en pot à l'air libre, ou en serre sans méthode de forçage.
Dans l'eau, elle puise de nombreux éléments, issus du sol. C'est là que les engrais interviennent, dans les éléments véhiculées par l'eau. Sous forme minérale (ou ionique) ces éléments sont absorbés par les racines (les feuilles peuvent aussi le faire) selon la loi de l'osmose, qui fait se déplacer la solution aqueuse du milieu le moins minéralisé vers le milieu le plus minéralisé. En bref, du sol vers les racines. L'évaporation due aux feuilles crée un manque d'eau dans les racines et l'eau est donc régulièrement "pompée" par les racines, entraînant avec elle les éléments solubles dans l'eau.
Il faut donc bien comprendre que la seule nourriture absorbée par les racines est un mélange d'eau et d'élément minéraux, en aucune manière ce ne sont des protéines, des acides aminés ou autres molécules dites "organiques". Une plante ne se nourrit pas de feuilles mortes ni de fumiers, mais d'éléments chimiques, qui seront obtenus par toute la chimie du sol, qui transforme peu à peu les élément organiques et éléments minéraux.
Les éléments minéraux absorbés par les plantes
Ces éléments sont des ions, sels ou minéraux. Ils sont connus depuis les recherches de certains savants.
Le plus connu est le baron Von Liebig, qui s'est intéressé au dosage des cendres des plantes, pour démonter qu'outre l'eau et les éléments pris dans l'air, on pouvait calculer exactement la nature et les quantités des éléments minéraux que la plante avait extraits du sol. Par sa méthode, il découvrit les éléments les plus utiles à la plante et ses recherches permirent d'augmenter de 400 % les rendements de l'agriculture.
Cliquer ici pour lire un article très intéressant consacré à ce savant dans un numéro de la "Revue d'histoire des sciences et de leurs applications" de 1965. Et lire ou télécharger
ici "les lois naturelles de l'agriculture" du baron von Liebig, et
là la première page que voici :
Julius Sachs démontra lui, en 1860, qu'on pouvait nourrir une plante exclusivement avec une solution aqueuse de divers éléments minéraux.
Un historique des recherches sur les engrais montre qu'il s'agit de repousser l'effet de l'élément limitant (le produit dont le manque est le plus responsable de la baisse du rendement) et non de 'augmenter la teneur en tous les éléments.
Les détracteurs de l'emploi d'engrais doivent garder à l'esprit qu'avant leur emploi, le cycle de l'azote et d'autres minéraux était pratiquement en circuit fermé, on ne pouvait produire plus que ce que l'on rendait à la terre, avec simplement l'apport d'azote donné par les bactéries transformant l'azote de l'air en nitrate, et le très lent passage de certains minéraux de la roche dans le sol. Le fumier, le compost, les purins divers ne peuvent être considérés que comme une façon de déplacer de l'azote et d'autres éléments minéraux d'un lieu à un autre. Si je prends de l'azote d'une prairie pour le mettre dans un champ sous forme de fumier, j'appauvris le sol de la prairie tout autant que j'enrichis celui du champ, mais je n'apporte rien à la globalité. L'intérêt de ces éléments est d'apporter dans les champs à la fois des éléments minéraux venant d'autres lieux, mais aussi via ces éléments végétaux ou animaux, de permettre aux bactéries fixatrices d'azote de se développer dans les champs. Mais, ceci se fait bien évidemment au détriment des lieux d'où sont exportés ces éléments végétaux.
Il y a donc eu une révolution agricole majeure avec l'apport dans le circuit d'éléments minéraux produits hors du champ. On mesure mal généralement ce que serait l'agriculture sans cette révolution. La fin des famines généralisées, de la mort régulière de populations entières n'est pas simplement due à la politique démocratique, ni à la médecine, mais bel et bien à la spectaculaire augmentation des productions agricoles et à leur stabilisation, avec un rendement pratiquement garanti chaque année.
Liebig et ses suivants ont donc dès le milieu du XIXe, mis en avant le mode d'alimentation des plantes et ouvert la porte à une utilisation calculée et efficace d'éléments minéraux.
Ces éléments minéraux furent peu à peu cernés et étudiés. Actuellement, nous savons que ces éléments sont l'azote, le phosphore, le potassium, le magnésium, le soufre, le calcium, le fer et quelques autres minéraux nécessaires en plus faibles quantités, dits "oligo éléments". On les désigne par leurs symboles chimiques (
classification de mandeleïev), rangés dans un ordre précis (afin d'être universel) : N pour l'Azote, P pour le phosphore, K pour le potassium, Mg pour le magnésium, S pour le soufre, Ca pour le calcium, etc.
Dans la réalité, si l'azote est bien l'élément que l'on nomme N dans les engrais, l'élément nommé P est en fait du P2O5 (ion phosphate) et l'élément nommé K est du K2O (de la potasse).
Classification selon la composition
Il serait simple de trouver une composition idéale satisfaisant toutes les plantes poussant dans nos jardins. Mais ceci n'est pas possible, les plantes ayant des besoins précis selon l'espèce, le sol, la saison, on dispose de plusieurs sources de minéralisation du sol.
Chaque élément ayant lui aussi ses fonctions propres dans la bio-chimie de la plante, un bref aperçu de ces éléments permettra de pouvoir choisir qu'apporter au sol.
N (azote)
C'est l'élément le plus indispensable à la pousse de la plante. Il est responsable du développement des végétaux, parties vertes principalement, mais aussi toute partie contenant des protéines, les protéines étant des molécules construites à partir de l'azote.
Cet élément est le constituant principal de l'air que nous respirons, mais ne peut être assimiler sous forme N2 (molécule de 2 atomes d'azote) par les plantes. Elles ne peuvent consommer cet azote qu'une fois inclus dans une solution aqueuse sous forme de sel, le nitrate. Ce nitrate est produit par des bactéries du sol (quelquefois hébergés dans les racines des plantes) qui le produisent en deux temps : de l'azote est transformés en ammoniaque par certaines bactéries, puis au fur et à mesure que cet azote ammoniacal est libéré par ces bactéries, d'autres le transforment en nitrate. Les ions nitrates sont très facilement lessivés (emportés par l'eau) et il n'y a jamais beaucoup de nitrates dans le sol.
Si le taux de nitrate est trop important, l'absorption de l'eau par la plante par osmose devient impossible, et c'est l'osmose inverse qui se produit : une migration de l'eau des racines vers le sol, d'où mort de la plante. On ne doit donc pas s'amuser à donner trop de nitrate, sinon on risque à la fois la pollution des sols et la mort des plantes.
Il y a donc
P (phosphore) dosé sous forme de P2O5 (ion phosphate)
Cet élément est souvent cité comme responsable d'un bon enracinement de la plante et comme facteur de résistant à diverses agressions. Il est moins consommé par la plante que l'azote et le potassium et il faudra veiller à ce que son apport ne soit jamais trop élevé. Une carence en phosphore est rare, et c'est surtout en début de végétation qu'il sera utile d'en apporter. Les "engrais équilibrés" qui contiennent autant de phosphore que d'azote ou de potassium sont souvent surdosés en phosphore si on désire les utiliser en toute saison.
K (potassium) dosé sous forme de K2O (potasse)
C'est l'élément le plus important dans l'arrivée de la floraison et de la fructification, en plus évidemment d'un bon ensoleillement et de températures adéquates. Cet élément joue un rôle dans d'autres processus bio-chimiques et renforce la plante. Il est utilisé pour la production de sucres et autres arômes présents dans les fruits et doit être plus dosé que l'azote et le phosphore lorsque c'est la production de fleurs ou de fruits qui est attendue. Son surdosage bloque l'assimilation du magnésium, et de l'azote. D'où l'important fondamentale de la maîtrise des dosages et calculs.
Ca (calcium)
Très présent pas endroit sous forme de carbonate (calcaire) cet élément est manquant dans certains sols. Il est souvent apporté sous forme de chaux ou de nitrate de calcium. Son équilibre avec le potassium ou le magnésium n'est jamais trop pris en compte mais la pertinence de cet équilibre démontre l'intérêt d'une analyse du sol avent l'apport de matières minérales.
Mg (magnesium)
Il est utile pour la fabrication de la chlorophylle et a donc une utilité dans le développement de toute plante. Il peut venir à manquer, surtout en sol calcaire, et en cas d'apport trop important de potassium. Sous le forme de sulfate de magnesium (souvent rencontré en agriculture bio) il apporte aussi l'élément soufre.
S (soufre)
Très utile au développement de certaines plantes, notamment les crucifères (choux, moutarde, etc.) il est aussi utilisé comme correcteur de ph dans les sols trop calcaires. Il était présent naguère dans les "pluies acides" et l'interdiction du plomb dans les carburants a nettement réduit cette catastrophe écologique, mais a en même temps réduit l'apport de soufre par l'eau du ciel.
Son apport n'est pas aussi indispensable que celui de éléments npk, et doit se faire de manière calculée quand on utilise potassium et magnésium sous forme de sulfates.
Fe (fer)
Élément indispensable mais très peu nécessaire en quantité, il devient phyto-toxique au delà d'un certains seuil et selon les plantes. On est là plutôt dans ce qu'on nommera "micro-élément", entre les macro-éléments (N P K Mg S Ca). Un manque de fer se caractérise par une chlorose (perde de la couleur verte du limbe des feuilles) rendant peu efficace la photosynthèse.
Autres éléments
Le but n'est pas d'être exhaustif, et de s'étendre sur tous les éléments utiles aux plantes. On dira que dans les conditions de culture en amateur, l'apport d'un engrais contenant des oligoéléments est un plus, que cet apport se fasse par des engrais naturels ou par l'ajout de ces éléments dans un engrais industriel.
Classification selon l'origine
Tous ces éléments peuvent avoir plusieurs origines.
Origine naturelle
Ce sont les engrais (dits "amendements" si moins de 3 % de leur masse est constituée des éléments minéraux listés plus haut) issus de plantes ou d'animaux. Les fumiers, le sang desséché, la corne broyée ou autres en sont les plus connus.
Il y a aussi les sous-produits de l'agriculture, tourteaux de ricin et autres jus de betterave.
Ces sous-produits sont dits "bio" mais peuvent avoir été produits à partir d'animaux ou de cultures soumis aux produits phyto-sanitaires.
Origine minière
Ces engrais sont aussi "bio" que les autres, puisqu'ils ne sont pas produits synthétiquement. Il s'agit de minéraux extraits du sol, souvent soumis à un petit processus de transformation. Citons ici les classiques engrais potassiques "bio" tel le sulfate de potassium, souvent incorporé dans les engrais "tomates", ou les divers amendements calcaires ou magnésiens, chaux et dolomie.
Ces engrais sont souvent utilisés dans des mélanges avec des engrais azotés d'origine animale ou végétale au sein d'engrais complexes dits "organo-minéraux".
Origine industrielle
Ce sont les engrais obtenus en usine, principalement des engrais azotés comme les nitrates. Ils sont issus du processus Haber-bosch depuis une centaine d'années. Les engrais à azote ammoniacal et les engrais à azote nitrique sont les plus vendus de cette catégorie. Les premiers apporte de l'azote sous forme moins lessivable qui n'est pas assimilable immédiatement par les plantes, mais qui doit d'abord être transformé par des bactéries du sol en nitrates, seules molécules azotée assimilable par les plantes. La forme nitrite est constituée de nitrates, et doit être utilisée avec extrêmement de prudence et de calcul, son sur-dosage polluant les sols et tuant les plantes.
Engrais primaires et complexes
Selon les besoins, un engrais peut être primaire, c'est-à-dire n'apporter qu'un seul élément, ou bien complexe, c'est-à-dire apporter plusieurs éléments. C'est la raison pour laquelle il faut connaître le nom des engrais, lire attentivement leur composition, et ne s'en servir que lorsqu'on maîtrise
les dosages et calculs.
On trouve l'adjectif "ternaire" quand l'engrais apporte les trois macro-éléments NPK.
Produits du commerce
N'entrons pas dans la liste de tous les produits du commerce, mais apprenons à décrypter leur composition.
Engrais "bio"
On a là des engrais 100 d'origine végétale ou animale, mais aussi des engrais avec une source minérale pour certains éléments, potassium, magnesium, soufre ou calcium par exemple.
Il faut donc en premier cherche le code NPK, pour lire la teneur en différents éléments, pour connaître quelle sera la destination de l'engrais et faire ses calculs en fonction du dosage qu'on désire apporter. Voir la partie "dosage et calculs".
Il faudra aussi chercher dans la composition si l'azote est sous forme de nitrate. Au plus on trouvera un taux de nitrate important, au plus il faudra faire attention à ne pas sur-doser l'engrais. Un engrais fort en fumier frais ou en guano aura un taux de nitrate plus important qu'un engrais avec de l'azote issu de compost ou de fumier "mûr".
Engrais "chimiques"
Là aussi, on lira la composition en NPK, mais on peut aussi s'intéresser au nom des substances présentes. Les calculs doivent être faits et refaits avant l'utilisation de ces produits, lisez donc bien la composition.
Exemples de produits composants les engrais minéraux, dits "chimiques" et les engrais organo-minéraux
En engrais azotés, l'ammonitrate est le plus vendu. Il est constitué d'un complexe entre azote ammoniacal et azote nitrique. Attention à ne pas le sur-doser. Les engrais azotés peuvent aussi être sous forme de purs nitrates dont l'emploi est à déconseillé pour nous, jardiniers amateurs, pour causes de risques de pollution. Les engrais azotés sous forme ammoniacale sont à préférer, en enrichissant le sol avec pas mal de matière organique qui préservera la structure du sol et apportera les bactéries nécessaires à la transformation naturelle de l'ammoniac en nitrate.
En engrais potassique, le classique sulfate de potassium est un bon engrais pour le jardinier amateur, issu du traitement du minerai de certaines mines d'Europe centrale (jadis il s'agissait de la potasse d'Alsace), qui apporte du soufre. Son mélange avec le sulfate de magnesium est vendu sous le nom déposé de Patentkali, une marque allemande.
Pour ceux qui désirent avoir plus de détails, je vous signale qu'on trouve
ici la liste des principaux produits utilisés comme engrais. Reportez-vous à cette liste, je ne ferai pas de copier-coller du travail d'un autre.
Lionnel