Je n'arrive pas à gérer mon seigle

[GRANGE]

Une partie de mon potager était occupée par du seigle qui avait commencé à pousser à la fin de l'été 2011. Les fortes gelées de cet hiver l'avaient plus ou moins ratatiné, mais il est reparti en mars.

En mars, j'ai semé des pois mangetout demi nains en bordure, avec l'espoir qu'ils allaient s'accrocher au seigle. Les pois ont très mal poussé, ils fleurissent seulement maintenant et ont une mine lamentable. En plus, comme ils ont mis un temps fou à pousser, ils ne sont pas synchro avec le seigle et tout se casse la figure. Donc échec.

J'ai coupé le reste du seigle qui ne servait pas de tuteur aux pois au moment de l'épiaison, très exactement le 8 mai et j'ai laissé la coupe sur place. Maintenant, je m'aperçois que cette partie de mon potager est inutilisable : les racines ne sont pas du tout décomposées, la terre est compactée autour des racines, je ne peux pas enlever l'herbe qui a poussé autour, bref, je ne sais pas quoi faire, sauf pester et me dire que j'aurais mieux fait de semer de la moutarde.

En résumé, j'ai à peu près 1/4 de mon potager sur lequel je ne pourrai rien planter cette année. Heureusement que je n'en ai pas semé sur toute la superficie.

C'est moi qui ai mal fait ou bien c'est toujours comme ça avec le seigle ?

[GRANGE]

Ah j'ai oublié : bonjour à tous ! (c'est parce que j'étais en colère).

[GRANGE]

Je me sens abandonnée devant ma planche de seigle ....

[Dam79]

Hop! Nous pouvons en discuter ,

Grange, le seigle comme engrais vert est aussi une stratégie pour concurrencer toutes plantes, les effets allélopathiques ont été ici très forts, car si le seigle prenait déjà la place, c'est normal que le pois ne prenne pas son pied. Il faudrait le semer en même temps et ne pas forcer la dose sur le semis de seigle. Sinon, utiliser la vesce, mais non alimentaire.

Ce qui est étonnant c'est qu'après la fauche, il ne se dégrade pas. Il faudrait pailler après fauche, cela aide à la dégradation, une fois coupé, je plante dedans après avoir ameubli à la fourche à l'emplacement de la motte que j'introduit. Cela dit, si ton sol est "lent", il faut lui donner un coup de pouce avec de la matière organique fraîche, ton seigle coupé à peut-être un rapport C/N pas très favorable (plus de carbone, pas très tendre tout ça) qui te pénaliseras pour la mise en place d'une culture suivante. Cette matière organique fraîche (de la tonte, du foin frais, du vert tendre en fait) peut justement être mis en paillage.

[Ayn]

cela fait deux ans que je fais du seigle et sans soucis, mais il se trouve que j'ai plutôt bien choisi les rotations sans le savoir : avant du maïs, des poivrons, aubergines, courges. J'ai appris récemment que la rotation seigle puis maïs était bénéfique alors que le seigle peut être un mauvais précédent pour d'autres plantes.

Par contre, un constat, avec divers engrais verts, que ce soit le seigle, la phacélie, la moutarde... sur mon terrain argileux qui se compacte facilement, c'est que ces plantes vivent avec très peu d'eau, qu'elles parviennent à puiser en profondeur, or comme on n'arrose pas, la surface sèche beaucoup, et cette terre es très compacte quand elle est sèche. Donc, quand je veux planter quelque chose sur une planche qui a reçu un engrais vert, je fauche très court, je laisse sécher une semaine, puis j'arrose copieusement la parcelle la veille et le jour même de la plantation. De cette manière, la terre se ramollit bien et la plantation est facilitée.

Par contre, en dehors d'un autre engrais vert type féverole ou vesce, je n'ai pas tenté la culture associée entre le seigle et un légume. Ce n'est pas dit que ça fonctionne, pas avec n'importe quoi en tout cas, et surtout ça complique la destruction du seigle à épiaison.

[GRANGE]

Merci à vous deux pour votre intervention.

En fait, ce seigle avait été semé à l'automne 2010 en mélange avec de la moutarde, et il n'avait pas poussé, étouffé par la moutarde. Il s'est mis tout d'un coup à pousser pendant l'été 2011. Je l'ai donc laissé en place pour l'hiver et c'est au printemps qu'il m'a pris l'idée de l'utiliser comme tuteur pour mes pois. Ce matin, j'ai vu 2 pois. Même pour une personne seule, c'est peu !

Sur la planche de pois, je n'ai coupé que les épis de seigle, sinon, je me privais de mes tuteurs. Mais il en repousse.

J'ai regardé ce matin la planche que j'ai fauchée. La coupe n'est pas décomposée 5 semaines plus tard. Dans ma terre très argileuse, les mottes autour des racines sont dures comme du caillou, et pourtant, il a plu, et même bien plu. Il y a 15 jours, je n'arrivais même pas à y faire pénétrer un outil. D'où ma déception.

Sur le reste du terrain, j'avais une planche de moutarde qui ne m'a pas posé de pb, et j'avais recouvert pour l'hiver d'une fine couche de paille et divers déchets verts ce qui n'était pas ensemencé en engrais verts.

Actuellement, je couvre de tonte de pelouse et déchets verts. C'est là que la terre est la plus souple.

Sur mon terrain, j'ai remarqué que le processus de décomposition était lent. Il y a deux ans, c'était les feuilles mortes et les cartons restés dans le même état après 6 mois passés sur le terrain. J'ai fini par étaler les cartons derrière les framboisiers, et ils ont mis 2 ans à disparaître complètement. En revanche, les feuilles mortes mises au pied des framboisiers cet automne sont complètement décomposées actuellement.

En conclusion, je pense que je vais abandonner le seigle trop compliqué à gérer.

[Ayn]

Je pense qu'il y a un soucis lié au manque de chaleur (vu ta région) dans cette lenteur de décomposition, et peut-être aussi de vie microbienne (manque de micro-organismes). Est-ce que le printemps est aussi pluvieux chez toi que dans l'ouest, ou fait-il sec au contraire ? la sécheresse peut aussi énormément ralentir le procédé.

L'erreur a peut-être été de vouloir semer le seigle en mélange, ce qui lui a causé tort, et ensuite de le laisser un an de trop, ce qui l'a rendu plus difficile à détruire. Si tu devais refaire l'essai, il te faudrait le semer seul, et le détruire dans l'année, pour vraiment juger si c'est sa décomposition qui est délicate ou si c'est lié au temps de culture.

le point commun entre le seigle et les cartons, le dirais que c'est le rapport C/N : c'est un matériau très riche en carbone / lignine et très pauvre en azote. Tandis que tontes de pelouses sont au contraire très riches en azote et pauvres en carbone. Donc si on devait en déduire un truc, c'est que ton sol est probablement déséquilibré et trop pauvre en azote, ce qui ne permet pas de nourrir les champignons chargés de décomposer la lignine, soit trop pauvre en champignons (ce qui est peut-être lié au manque d'azote, ou alors à un autre facteur limitant pour eux).

Peut-être serait-il judicieux d'aider les champignons à décomposer les fibres ligneuses en apportant de l'azote ou des matières fortement azotées (fumier, fanes de légumes, tontes fraîches) par dessus ce que tu souhaites voir se décomposer plus vite ?

Il pourrait être intéressant aussi d'apporter du BRF sur une petite portion de terrain et de voir comment se comporte le sol : si les filaments mycéliens apparaissent... ou de ramener du mycélium (branchages en cours de décomposition ramassés en forêt ou dans un fossé après taille...).

[GRANGE]

Merci Ayn,

En ce qui concerne la pluviométrie dans ma région, c'est très variable d'une année à l'autre, mais le printemps n'est pas spécialement pluvieux. Ce qui peut arriver, c'est que le sol soit gorgé d'eau au moment de la fonte des neiges. L'année où j'avais mis des feuilles mortes et des cartons, l'eau ne s'était pas du tout écoulée en-dessous, elle avait stagné sous les feuilles et c'était un épouvantable bourbier collant.

J'apporte tous les ans environ 180 kg de vieux fumier de cheval sur mes 50 m2.

Ce matin, j'ai couvert ma coupe de seigle avec des déchets verts provenant du désherbage.

J'essaie d'utiliser à peu près tout ce que j'ai sous la main, mais je n'ai pas de BRF parce que pas de haie ni de broyeur, et je ne peux rien me procurer venant de l'extérieur parce que je n'ai pas de voiture et aucune famille pour me donner un coup de main. J'ai tenté une approche auprès des employés municipaux que je vois broyer la taille des arbres, mais sans aucun succès.

Ma terre est cependant très fertile, et comme m'a dit l'agriculteur qui me livre le fumier "oh la belle terre ! mais difficile à travailler." Il l'a prise entre ses doigts et l'a regardée avec admiration.

Tout y pousse, alors finalement, n'est-ce pas ce qu'on peut attendre d'un jardin ?

[Ayn]

Effectivement, c'est encore le meilleur signe de santé de ta terre ! Après, il faut savoir tenir compte de ton climat, et de la nature de ton sol pour en tirer le meilleur parti : apprendre à reconnaître le seuil idéal où elle n'est ni trop gorgée d'eau ni trop sèche, et c'est là qu'elle se travaillera le mieux, permettant d'y faire un trou pour planter ou d'y passer la griffe avant de semer avec le moindre effort. C'est le revers de médaille des sols argileux : ils ne sont pas utilisables en permanence, il faut choisir le bon jour.

[GRANGE]

J'avais espoir que le seigle améliore la structure de mon sol, et c'est un peu pour cette raison que je l'avais semé, mais je vois que le résultat n'est pas du tout au rendez-vous.

Ce qui a donné le meilleur résultat, c'est plutôt la couverture de divers déchets verts, paille et taille de haie que me donne un voisin (elle n'est pas broyée, je la débite en petits tronçons quand j'ai le temps). Cependant, ces matériaux mis à l'automne n'étaient pas digérés au printemps. J'ai un peu remué la terre à la fourche bêche et tout a fini par se décomposer. Le gel a aussi beaucoup arrangé les choses en émiettant la terre.

Curieusement, j'ai dans mon potager une planche que je réserve depuis 3 ans aux glaïeuls et dahlias, et c'est là que la terre était extra au printemps, comme du beurre. J'en étais très surprise. Cette année, j'ai donc déplacé mes fleurs et les ai plantées à l'autre bout du potager. D'ici une 10aine d'années (j'aurai donc 75 ans ...), après avoir déplacé plusieurs fois mes dahlias, la terre sera épatante partout.

[Ayn]

et les bulbes ne pourrissent pas en terre, avec ton argile ? ou alors tu les rentres l'hiver peut-être ?
ce sont aussi des plantes à racines fasciculées, qui émiettent la terre, comme les Poacées (blé, seigle, orge, avoine, maïs...). Mais l'arrachage te permet de voir le résultat, alors qu'en coupant le seigle c'est moins visible. As-tu essayé de l'arracher pour comparer ?

Je pense vraiment que le fait de l'avoir laissé trop longtemps a développé un réseau racinaire trop dense pour que tu puisses planter dedans. Et que ton sol met beaucoup de temps à se réchauffer, ce qui ralentit considérablement la dégradation de la matière organique.

[Dam79]

180 kg de fumier pour 50 m², quand même! Cela devrait bien tourner chez toi avec ça et changer la structure de ton sol.

Je dois être à 50 kg de "fumier" végétal (compost demi-mûr à mûr) et sûrement 30 à 40 kg en divers paillage sur la saison pour 70 m² peut-être.

[GRANGE]

@ayn : bien sûr que si, je rentre les bulbes pour l'hiver, sinon, ils seraient foutus. Mes dahlias sont énormes parce que vieux, et j'ai une 60aine de glaïeuls. Cette année, d'après les agriculteurs, le sol a gelé sur 60 cm de profondeur.

Effectivement, il faut beaucoup de temps pour que le sol se réchauffe après l'hiver. C'est pour cette raison que je ne mets qu'une fine couche de couverture pour l'hiver, sinon, le réchauffement au printemps est très ralenti.

J'ai essayé d'arracher le seigle à la main, mais je n'y arrive pas. Les racines sont colmatées à la terre, et il faudrait que j'y aille à la fourche bêche. Le jour où je ne jardinerai plus, je pourrai me reconvertir dans la poterie.

J'ai cueilli quelques pois mangetout, et j'ai vu que les pieds qui sont au bout de la rangée de seigle sont très beaux, alors que les autres sont rachitiques. Donc mon idée n'était pas bonne du tout.

@dam79 : je dis 180 kg de fumier, c'est peut-être 150, et seulement depuis 2 ans, depuis que j'ai trouvé cet agriculteur qui me livre. Mais je suis surprise de voir que 150 kg ne représentent qu'un très petit volume. Quant au compost, j'en ai très peu, même pas 1/2 m3. Cette année, j'en avais tellement peu que je l'ai gardé pour mes PdT sous paille.

[Ayn]

60cm de profondeur de gel !!!! ben, là, effectivement, il doit falloir des mois pour atteindre ensuite une température permettant à la vie de reprendre ses droits dans le sol. J'imagine que début mai ton sol atteint à peine à la température du mien début mars, à ce compte là. Pas étonnant que rien ne se dégrade, surtout avec beaucoup d'argile, donc un sol froid et compact de nature. Là il faut repenser le jardinage et les époques de plantation / semis / destruction d'engrais verts en fonction des méthodes des pays de l'est, et j'avoue ne pas avoir cette expérience, avec mon climat doux sous lequel glaïeuls et dahlias peuvent passer l'hiver en terre à la condition qu'il ne soit pas gorgé d'eau.

J'avais lu un jour un bouquin qui racontait l'histoire d'une famille complètement isolée en Sibérie, qui était autosuffisante, faisait pousser des pommes de terres et des tomates, ce que je n'aurais jamais pensé possible dans ce genre de coin du globe. A force de vivre coupés du monde depuis plusieurs générations, ils étaient parvenus à sélectionner leurs propres variétés adaptées à leur climat et à leur mode de conservation. Ils plantaient beaucoup plus tard, mais la culture se faisait ensuite de façon intensive pendant les quelques mois de belle saison.

Ce rapprochement me fait penser que pour ceux qui vivent dans des régions montagnardes et rudes devraient s'inspirer des conseils de culture des bouquins de jardinage prévus pour l'Allemagne, la Pologne, la Russie... sauf qu'il faut encore en trouver la traduction !!

[Dam79]

Oui, c'est fou 60cm! Il faudrait demander à Emcé, car il doit bien gérer des engrais vert et la reprise de printemps avec cette problématique hivernale.

[GRANGE]

60 cm de profondeur, certes, c'est impressionnant, mais c'était une année exceptionnelle, et il faut aussi savoir que bien que n'étant pas marseillais, les jurassiens ont tendance à exagérer quand ils parlent température. Quand je relève - 15° à mon thermomètre, j'entends autour de moi - 20°. Alors disons cette année que le sol a peut-être gelé sur 40 cm, et on se rapprochera sans doute de la vérité. Mais encore une fois, c'était exceptionnel.

Je ne suis pas dans le Haut-Jura mais au pied du 1er plateau. A 5 km de chez moi, sur le 1er plateau, la végétation a 15 jours de retard par rapport à nous. Et sur le 3ème plateau, il commence à geler au mois de septembre.

Mon problème avec les engrais verts vient justement du fait que si je sème en septembre, ça n'a pas le temps de pousser, sauf la moutarde. Et encore, celle que j'ai semée après le 15 septembre est restée à l'état embryonnaire et a été détruite par le gel, alors qu'elle ne faisait que 4 ou 5 cm. Si je sème au printemps, même chose, c'est trop long à démarrer et ensuite, j'ai besoin de la place.

Ton bouquin, Ayn, ce n'est pas "ermites dans la taïga" ? Je l'ai lu il y a longtemps. Quant aux traductions, pas trop besoin, je lis le russe et l'allemand (mais pas le polonais ! )

J'ai voyagé en Finlande jusqu'au cercle polaire, et j'y ai vu début juillet des cultures de fraises et de pommes de terre. L'ensoleillement maximum à cette période permet à la nature de rattraper le temps perdu. Quant aux températures, elles tournent autour de 20° à cette saison. En Russie, climat continental, donc on passe sans transition d'une extrêmité à l'autre. Je me souviens d'un mois de mai caniculaire à Moscou.